[Réponse à Mr le Comte de Gasparin

et à son article des

‘Archives du Christianisme’

du 11 septembre 1852 pages 131-134

 

Cette réponse est le P.S. (pages 31-39) de

« QU’EST-CE QU’ON A RECONNU ? – ÉTAT DE LA CONTROVERSE »

 

J. N. Darby

 

Ed. VEVEY 1852 (?)

[Les textes entre crochets ont été ajoutés par Bibliquest]

 

 

[Selon Wikipedia, Agénor de Gasparin (1810-1871) a été un homme politique, écrivain et théologien protestant. Il s’est occupé des intérêts de l’Église réformée de France et, avec Frédéric Monod, il a jeté les bases de l’Union des Églises évangéliques de France, indépendantes de l’État. Après la chute du roi Louis-Philippe, il a passé les 23 dernières années de sa vie en Suisse.

 

Cette première lettre de réponse au comte Agénor de Gasparin fait suite à son article des ‘Archives du Christianisme’ du 11 septembre 1852 (p.131-133). Cet article de Gasparin s’inscrivait dans la controverse entre Darby et Ch. Saladin, Ancien de l’Église évangélique à Genève.

En 1849, Ch.Saladin a écrit un article intitulé « Le Plymouthisme mis en regard de la Parole de Dieu ». — J.N.Darby a fait une première réponse intitulée « Observations sur l’écrit intitulé ‘Le Plymouthisme mis en regard de la Parole de Dieu’ Ed. 1852. — La même année, Ch.Saladin a répondu dans « Quelques remarques adressées à mes frères en Christ au sujet du dernier écrit de Mr. Darby » J.N. Darby a alors fait paraître l’« Appel à la conscience de ceux qui prennent le titre d’Anciens de l’Église évangélique à Genève », 1852 — Ch. Saladin a alors publié l’écrit intitulé « Dernier mot adressé à mes frères à l’occasion de L’APPEL À LA CONSCIENCE de M. Darby », Ed. 1852. — J.N. Darby a fait alors le point de la controverse dans les pages 1 à 30 de l’écrit intitulé « Qu’est-ce qu’on a reconnu – État de la controverse ». — En même temps, dans un P.S. à cet écrit (p.31-39), J.N. Darby a répondu au comte Agénor de Gasparin. Celui-ci avait fait paraître dans les ‘Archives du Christianisme’ (du 11 septembre 1852, p.131-133) un commentaire approbatif des « Quelques remarques adressées à mes frères en Christ … » de Saladin, et avait mis en P.S. (p.133-134) une critique de l’« Appel à la conscience de ceux qui prennent le titre d’Anciens de l’Église évangélique à Genève ». — Bibliquest a préféré présenter cette réponse au comte de Gasparin dans un document séparé de la réponse à Ch. Saladin pour bien distinguer les arguments, quoiqu’ils se recoupent.]

 

 

Table des matières :

1       [Embrouilles chez les interlocuteurs]

2       [Accusation de faire l’essai de diverses théories les unes après les autres]

3       [Le péché de l’homme entraîne bien la suppression d’une économie, mais la suppression effective de l’économie actuelle n’aura lieu qu’à la venue du Seigneur]

4       [On n’abandonne pas les institutions à Satan, mais les hommes les ayant abandonnées, personne n’a autorité pour les rétablir]

5       [L’économie « évangélique » dure encore, sa durée n’est pas fixée. L’institution des Anciens a cessé, pas de loi pour la rétablir]

6       [Dieu n’a pas ordonné d’avoir des Anciens et a ôté leur mode d’établissement. L’homme ne peut rétablir par un mode à sa fantaisie]

6.1         [Prétention à la liberté du choix des moyens]

6.2         [Pas d’obligation d’avoir des Anciens. Pas d’instruction autre que l’historique de leur installation, or Dieu a ôté cette institution]

6.3         [Ce que Dieu a ôté n’est pas abrogé, mais rendu impossible à rétablir. Pas de « droit commun des églises »]

6.4         [Les épitres à Tite et Timothée parlent d’Anciens pour montrer qu’on ne peut pas suivre la loi de l’institution qu’il a ôtée. Cela condamne son rétablissement par un autre mode]

 

 

 

1         [Embrouilles chez les interlocuteurs]

P. S. Je ne lis pas les journaux religieux, de sorte que je ne vois pas les attaques qu’ils renferment contre ce qu’on appelle le Plymouthisme ; mais au moment où cette brochure allait sortir de presse, on met entre mes mains les Archives du Christianisme du 11 septembre, en me priant d’ajouter un mot de réponse à l’article signé de Gasparin. Il est tout aussi peu agréable de répondre à quelqu’un qui ne sait pas de quoi il s’agit [Gasparin], qu’à ceux [Saladin] qui vous font dire des choses que vous n’avez jamais dites, et qui, quand on les désavoue, triomphent de ce que vous avez, disent-ils, renoncé à vos vues.

Cependant j’ajouterai quelques mots.

 

2         [Accusation de faire l’essai de diverses théories les unes après les autres]

On [Gasparin] dit que le Plymouthisme a essayé plusieurs théories.

  •   C’était d’abord l’apostasie des économies ;

  •   ce fut ensuite la corruption et la chute des institutions ;

  •   ce fut enfin l’impossibilité d’établir des anciens depuis la mort des apôtres.

 

Pourquoi : d’abord, ensuite, et enfin, comme si c’étaient diverses théories ? Je n’exprimerais pas ces choses comme elles sont exprimées ici, mais peu importent les expressions. Je crois les trois choses toutes ensemble. Au lieu d’une théorie qui en remplace une autre, les dernières ne font que constater des faits accessoires qui se rattachent au fait plus général.

Il y a une apostasie de cette économie, (car je trouve la remarque sur l’expression trop triviale pour me servir d’une autre). Les institutions ont été corrompues sans que l’économie ait péri ; et je crois non pas précisément à l’impossibilité d’établir des anciens après la mort des apôtres, mais à l’incompétence de ceux qui, actuellement, prétendent le faire ; leur œuvre est anti-scripturaire, selon-moi.

Qu’il y ait une apostasie, 2 Thess. 2, le déclare. Que les institutions du Christianisme aient été corrompues — tout protestant le croit. Que le mode qu’on suit actuellement en nommant des anciens et qui est approuvé par M. de Gasparin, ne soit pas scripturaire, cela est évident pour quiconque lit la Bible, et presque avoué par M. de Gasparin lui-même.

Ce qui est dit de trois théories essayées l’une après l’autre n’a aucun fondement quelconque.

 

3         [Le péché de l’homme entraîne bien la suppression d’une économie, mais la suppression effective de l’économie actuelle n’aura lieu qu’à la venue du Seigneur]

Ensuite M. de Gasparin ne sait, à ce qu’il parait, de quoi il s’agit.

« L’Église et ses charges appartenant à l’économie et cette économie ayant apostasié, il n’y avait plus à parler de charges et d’anciens établis », dit-il. Pourquoi ? ‘Les charges pouvaient subsister comme toute autre forme, quoique le principe fondamental de l’existence de l’économie eût été complètement renié’.

J’ai assez répondu déjà à cette idée grossièrement anti-scripturaire, que ce n’est pas le péché de l’homme qui entraîne la suppression d’une économie. Je prie le lecteur de bien y faire attention. Une telle assertion, et elle est approuvée par M. de Gasparin, suffit pour juger tout le système moral qu’elle est employée à soutenir et pour constater quelles sont les connaissances bibliques de ceux qui l’emploient.

On veut que je semble avoir reconnu que ma première position était intenable. Je suis bien fâché, mais au lieu de la croire intenable, je la crois plus importante que jamais.

J’aurais été tout prêt à supposer que la première publication de mes pensées sur ce sujet aurait pu contenir quelque chose d’inexact, comme cela arrive ordinairement lorsque de nouvelles lumières resplendissent dans l’esprit de l’homme ; mais j’ai été amené, par les attaques récemment dirigées contre cette doctrine, à relire cette première publication et je la trouve plus réservée que je ne l’aurais pensé, et très-concluante pour quiconque reconnaît l’autorité de la Parole. On ajoute que j’accorde même expressément que l’économie évangélique a survécu aux chutes si profondes de la chrétienté. Oui, je l’accorde très-expressément. Jusqu’à présent je n’ai jamais trouvé une idée du contraire que dans les songes de mes adversaires. Où est-ce que j’ai dit que l’économie a péri ? J’ai prêché et enseigné de bouche et par écrit que la venue de Christ en serait le terme.

Cette belle idée, que l’économie, de laquelle nous faisons partie, a déjà péri, est due tout entière à la brillante imagination de mes adversaires.

 

4         [On n’abandonne pas les institutions à Satan, mais les hommes les ayant abandonnées, personne n’a autorité pour les rétablir]

Quant à l’assertion qui suit : que les chrétiens doivent abandonner les institutions à Satan — quand M. de Gasparin pourra la montrer dans mes écrits, j’y répondrai.

Ensuite : Le péché ne supprime pas les institutions, mais celles-ci peuvent être, en pratique, corrompues par les hommes et abandonnées par les hommes.

Les apôtres, dit-on, n’ont pas prescrit d’abandonner leurs institutions. Voilà une profonde remarque ! Mais si les hommes les ont abandonnées sans que cela leur fût prescrit — et si par conséquent elles n’ont pas existé, en pratique, pendant 17 siècles — est-ce que M. de Gasparin peut les rétablir, en pratique, de manière à lier les consciences, comme les apôtres l’ont fait en nommant les anciens ? Si non, il fait des divisions. Il est coupable de schisme en imposant ce qui n’a pas d’autorité divine et en excluant ceux qui n’acceptent pas ce qui n’est pas selon la Parole.

 

5         [L’économie « évangélique » dure encore, sa durée n’est pas fixée. L’institution des Anciens a cessé, pas de loi pour la rétablir]

On nous dit « qu’on a constaté, enfin, que la durée des institutions de l’Église était fixée partout comme devant égaler celle de l’économie évangélique, c’est-à-dire remplir l’intervalle qui sépare la première de la seconde venue du Sauveur ». Où est-ce qu’on a constaté cela ? Or il y toujours le même sophisme ici. Les institutions devaient remplir l’intervalle etc., l’ont-elles rempli ? La loi de l’institution n’est pas changée, mais l’institution a-t-elle subsisté de fait, en pratique ? Si elle a subsisté, pourquoi tant de peine pour prouver qu’on a le droit de la rétablir ? Pourquoi des « découvertes » à l’égard du moyen de le faire ? non, elle n’a pas subsisté, et c’est parce qu’elle n’a pas subsisté, qu’on cherche, par tant d’arguments, à montrer qu’on a le droit de la rétablir par d’autres moyens que ceux indiqués dans la Parole. Remarquez-le bien. La loi de l’institution subsiste. L’institution ne subsiste pas. On ne peut pas maintenant la rétablir selon la loi scripturaire, et on cherche à la rétablir de fait en violant la loi qui subsiste toujours.

Mais encore : Où est-ce que la durée de l’économie elle-même est fixée dans la Parole ? Où est-il dit qu’elle devrait être longue, et qu’il devrait y avoir un moyen de prolonger ses institutions ? Moi, je nie que cela soit dit. C’est dans un tout autre esprit que les Écritures en parlent. J’affirme hautement qu’il n’y a dans la Parole rien d’arrangé en vue de la prolongation de l’économie, à moins qu’on n’appelle le sommeil des dix vierges une institution. Que, de fait, l’Époux ait tardé à venir, nous le savons ; mais je défie mes adversaires de me montrer quelque ordonnance de Dieu qui sanctionne l’état de choses qui en est résulté. J’affirme que la Parole le traite toujours comme un état de ruine et de péché, qui amènerait le jugement de Dieu. C’est là la grande controverse entre nous.

 

6         [Dieu n’a pas ordonné d’avoir des Anciens et a ôté leur mode d’établissement. L’homme ne peut rétablir par un mode à sa fantaisie]

6.1        [Prétention à la liberté du choix des moyens]

Or voici ce qui — tout en disant qu’il n’est pas prouvé — est l’aveu du véritable état de la question. On nous dit « qu’en supposant même que le Nouveau-Testament ne nous présente jamais l’élection par l’église, comme intervenant dans la désignation des anciens, il n’en serait pas moins évident que Dieu, en nous ordonnant d’avoir des anciens, et en nous ôtant le mode primitif de nomination et d’installation, nous autoriserait et nous prescrirait d’employer un autre mode. La liberté dans le choix des moyens, c’est le droit commun des églises ».

 

6.2        [Pas d’obligation d’avoir des Anciens. Pas d’instruction autre que l’historique de leur installation, or Dieu a ôté cette institution]

1° Il est clair que, s’il y a un mode primitif ordonné de Dieu, c’est là la loi de l’institution et qu’il ne s’agit pas de liberté de choix.

2° En outre, Dieu ne nous a jamais ordonné d’avoir des anciens. Il ne nous a donné que l’historique de leur nomination et de leur installation. Il n’y a aucun commandement autre que l’institution elle-même, d’après le mode primitif, lequel (suivant la supposition) Dieu a ôté. L’institution elle-même, comme loi, n’est pas autre chose que ce mode que Dieu a ôté.

 

6.3        [Ce que Dieu a ôté n’est pas abrogé, mais rendu impossible à rétablir. Pas de « droit commun des églises »]

Maintenant, est-ce que Dieu a ôté ce mode primitif pour en établir un autre ? Il est clair que non. Nous n’avons pas une autre révélation, et il n’y aurait pas liberté de choix, si Dieu avait établi un autre mode par son autorité. Or est-ce que Dieu a abrogé la loi de l’institution ? Jamais. Elle est là dans la Parole, comme mode établi par sa souveraine autorité. Comment donc a-t-il ôté le mode primitif ? C’est historiquement, de fait ; c’est la chute pratique de l’institution entre les mains des hommes, et ceci à un tel point qu’on peut dire que Dieu l’a ôtée. Car la loi subsiste ; elle n’a pas été ôtée. C’est comme institution, subsistant de fait parmi les hommes, que Dieu l’a ôtée, ainsi que le moyen de la rétablir selon la loi de l’institution, soit le mode primitif. C’est-à-dire, en pratique, la chose a manqué. Dieu agissant en jugement — car Il n’a pas changé la loi — l’a ôtée. Il a, par ce jugement, rendu impossible à l’homme de la rétablir selon la loi primitive de l’institution ; car (est-il supposé) Dieu a ôté le mode primitif. Alors, quoique Dieu l’ait ôtée en jugement, l’homme la rétablira par sa liberté, et quoique Dieu ait rendu impossible de le faire d’après la loi de l’institution (car Dieu a ôté le mode primitif), l’homme suivra un autre mode, établira une loi à sa fantaisie : « C’est le droit commun des églises ». Voilà une belle liberté ! La loi de Dieu (je parle de ses institutions) se rattache à un fait exceptionnel et transitoire de sa nature, par conséquent l’homme peut ensuite faire ce qu’il veut.

 

6.4        [Les épitres à Tite et Timothée parlent d’Anciens pour montrer qu’on ne peut pas suivre la loi de l’institution qu’il a ôtée. Cela condamne son rétablissement par un autre mode]

Le canon sacré, nous dites-vous, a conservé les épîtres à Timothée et à Tite. Oui bien, mais c’est pour montrer une loi de l’institution que vous ne pouvez pas suivre et pour prouver qu’en prétendant rétablir ce que Dieu a ôté, vous méprisez, en même temps, le jugement qui l’a ôté et la loi qui l’a établi, en le rétablissant d’après un autre mode, selon ce que vous appelez la liberté, c’est-à-dire votre volonté propre ; car Dieu a ôté l’institution, de fait, et non pas la loi de l’institution qui subsiste, dans ces épîtres et ailleurs dans le Nouveau-Testament, dans toute sa force, pour vous condamner.

C’est une supposition, dites-vous. C’est la vôtre qui trahit vos principes dans les conséquences que vous en tirez. Mais il y a plus qu’une supposition — « la découverte du moyen, dites-vous, n’est pas difficile ». C’est vrai. En dehors de l’autorité de Dieu, il n’y a que la volonté de l’homme. C’est le chemin que vous avez suivi. Il est de toute évidence que, si l’on respecte la Parole, on n’a pas de découvertes à faire. Si vous en avez à faire, c’est que vous l’avez abandonnée. Si vous faites le travail que vous annoncez, je vous engage sincèrement à examiner davantage la responsabilité de l’homme et ses conséquences à l’égard des économies. C’est là la vraie question. Il ne convient pas d’ébranler les principes fondamentaux des voies de Dieu pour une question d’anciens.

FIN.