L’œuvre de Dieu en prison et dans le camp de concentration
Henk L. Heijkoop
« Uit het Woord des Waarheid, Winschoten 1946/ 1947 ». Extrait de « Folge mir nach », mars 2002 page 31
Table des matières :
3 Quatre semaines en cellule d’isolement, et pourtant heureux
4 Dans le camp de concentration d’Amersfoort
5 Sauvé à travers des souffrances
7 Dans le camp de concentration à Vugt
8 Les soins de Dieu pour ses enfants
9 Le « Commando Philips » — enfin des Bibles ! (*)
Henk L. Heijkoop (1906-1996), commentateur apprécié de la Bible, consacra pleinement sa vie au Seigneur déjà comme jeune chrétien, et le servit dans de nombreux domaines de la vie. Après l’occupation des Pays-Bas par l’Allemagne (à partir de mai 1940) Heijkoop fut interné, entre autres, parce qu’il avait aidé des Juifs. Après la guerre il mit par écrit certaines de ses expériences d’alors, en prison et en camp de concentration. Nous les rapportons ci-après sous forme abrégée. Elles devraient nous stimuler à une confiance inconditionnelle dans le Seigneur en toutes circonstances (qui certes sont la plupart du temps bien meilleures qu’en camp de concentration) et à une conscience réelle de sa bonté.
C’est en octobre 1942, que je fus arrêté et envoyé au bureau de police de Winschoten. Le lendemain après-midi je fus conduit en auto à Groningen avec quelques autres. En cours de route, nous dûmes attendre un moment du fait qu’un pneu était presque à plat ; et à cet instant précis un frère passa et me vit, et je pus m’entretenir avec lui quelques minutes. Maintes fois nous oublions vite la réalité de l’amour fraternel, mais en de tels instants, nous n’en pouvons pas douter. Notre cœur nous dit que l’amour fraternel demeure (1 Jean 5:1 ; Actes 28:15).
À Groningen, nous fûmes remis au sinistre « Bureau du Service de sécurité » de mauvaise réputation et immédiatement conduits en prison. Alors au vestiaire, nous furent enlevées toutes nos affaires : montre, argent, photos, papiers et aussi — ce qui fut le plus dur — ma Bible. Nous fûmes ensuite conduits dans une cellule.
J’avais une cellule d’isolement et, par la suite, je devais rester assis seul, avec interdiction de lire, de travailler et d’acheter quelque chose à la cantine. Le gardien qui m’y conduisit était un homme jeune et comme je l’appris plus tard, membre d’une église réformée. Il était très cordial et m’assura que les gardiens faisaient tout pour nous rendre le séjour aussi agréable que possible. Effectivement, cela parut être vrai. Le meilleur, c’est qu’il me promit de m’apporter une Bible. Je devais de temps en temps la cacher après usage pour qu’on ne la vît pas directement et si elle venait à être découverte, il soutiendrait qu’une Bible appartenait bien à l’inventaire de la cellule. Je la reçus deux jours après. Je n’ai jamais oublié l’amabilité de ce surveillant, qui me fut alors bien nécessaire.
J’ai passé les quatre premières semaines dans cette cellule. En général j’étais heureux. Pas toujours. La crainte de l’interrogatoire et le souci des miens me terrassaient maintes fois. Mais la proximité de Dieu n’est jamais éprouvée autant que dans les difficultés. Et la lecture de la Parole de Dieu donne une joie profonde et tranquille qui est plus forte que toutes les difficultés. J’avais le temps de lire la Bible et je l’ai par bonheur employé à cet effet. Je lisais régulièrement cinq à huit heures par jour. Lorsque l’interdiction de lire fut levée, je pus obtenir d’autres livres. Mais très vite je n’en fis plus aucun usage. La Bible m’était devenue trop précieuse et je ne m’accordais point de temps pour lire d’autres livres, excepté un récit de voyage.
Je ne faisais aucune étude biblique particulière. Je l’avais fait à la maison pendant des années avec une grande joie pour mon cœur. Mais ici je fis d’abord, en priant, la lecture de la Genèse, puis dans le Nouveau Testament celle de Matthieu et en suivant, sans faire de comparaison de passages et sans m’efforcer d’en comprendre la signification plus profonde. Je laissais la Parole opérer en moi et je restais sur la première impression. C’est ainsi que je ressentis :
- la grâce et l’amour merveilleux qui se voient dans toutes les actions et paroles de Dieu et du Seigneur Jésus
- sa gloire qui ne pouvait rester cachée, même aussi lorsqu’il allait dans son chemin d’abaissement
- ses soins pour les siens en toutes circonstances etc.
- et alors, plus tard, les glorieuses bénédictions dans les épîtres de Paul.
C’est ce dont mon cœur avait alors besoin en ce temps-là. Et le résultat ressort d’une citation de lettre que j’ai écrite dans ma cellule : « Cela va pour moi pour le mieux. Je cherche à vivre selon Matthieu 6:34 ; Romains 12:12 et Philippiens 4:4-6 et je fais l’expérience du verset 7 de Philippiens 4 : « et la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus ». Je puis lire la Parole cinq à huit heures et c’est ce qui me rend si heureux. Cela produit un tel repos et une telle joie qu’on ne peut l’exprimer. De cette façon, je puis beaucoup chanter. Pendant les sorties journalières de deux fois vingt-cinq minutes, je chante presque tout le temps et maintes fois aussi dans ma cellule. Hier, lors de la sortie, je chantais :
Mon Sauveur
Dirige tout mon chemin
et un autre le chante doucement avec moi.
Il n’y a que la grâce de Dieu qui puisse produire cela dans un faible cœur d’homme. Les mêmes expériences furent faites par beaucoup d’autres croyants avec lesquels je parlais. Un groupe de jeunes hommes de Meppel, qui étaient condamnés à mort, étaient assis dans leur cellule à Scheveningen. Lorsqu’ils apprirent qu’ils devaient être fusillés le lendemain, ils passèrent la nuit ensemble à prier, à chanter des cantiques de louanges, et à porter 1’Évangile à ceux qui se trouvaient dans d’autres cellules proches.
Un autre, lui aussi condamné à mort, qui était assis dans leur voisinage, l’a rapporté par écrit et eut la possibilité de faire parvenir subrepticement sa lettre hors de la prison. Il fut par la suite fusillé selon la loi en vigueur ; mais sa lettre d’adieu, et son témoignage relativement à ses compagnons de captivité, montrent comment Dieu l’a fortifié dans son cœur et l’a réjoui pendant les quatre longs mois qui s’écoulèrent entre son interpellation et l’exécution de la sentence.
Le 20 novembre 1942 avec quatorze autres hommes, nous fûmes ensemble transférés de la prison de Groningen au camp de transition de la police d’Amersfoort. Je ne veux pas entrer davantage dans l’accueil et le traitement subi par les Juifs. Leur condition était encore plus mauvaise que la nôtre. Les conditions et l’atmosphère de ce camp en 1942 ne sont comprises que par ceux qui y ont effectivement pris part.
Une chose qui me frappa le plus, les premiers jours, fut le traitement des Juifs. La direction allemande du camp et les gardiens ne pouvaient voir aucun Juif sans se jeter sur lui pour le frapper. Les Hollandais aussi, qui s’étaient procurés habilement un poste, y prenaient part pour obtenir la faveur de la direction du camp ou la conserver. J’ai vu comment des Juifs furent roués de coups jusqu’à la mort ou frappés dans un enclos de fils barbelés où les gardiens les blessaient pour qu’ils meurent lentement. Jamais, comme dans ces premiers jours, je n’ai éprouvé dans toute son épouvante le rappel des cris : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants » (Matthieu 27:25). Nous avons beaucoup parlé de ce sujet. Et nos pensées se portaient d’elles-mêmes sur Lui, qui a souffert des brutalités, de la haine et du mépris, beaucoup plus intensément que nous ne les connaîtrons jamais (Hébreux 12:2-3).
Quoique je sus très bien que par nos propres forces nous ne pouvions rien et qu’aussi je me confiais dans le Seigneur, se posait pourtant fortement en moi, en ce temps passé dans le camp, la question : si d’autres ici s’en sortent bien, toi aussi, tu devrais bien t’en sortir ; tu es fort et en bonne santé, pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Après quelques semaines là, le Seigneur fit voir que Lui seul peut garder et que la confiance en sa propre force et en sa propre capacité n’est que folie.
Cet hiver-là, en cours d’un de ces interrogatoires mal famés, je m’évanouis trois ou quatre fois. Par la main de Dieu, je fus admis dans un baraquement servant d’infirmerie, où il fut établi que j’avais contracté un ulcère d’estomac. À vue humaine, mon état était très critique. Comme chaque nouvel arrivant, j’avais perdu environ une livre par jour pendant les premières semaines.
Par la fièvre et parce que je ne pouvais pas supporter la nourriture que nous recevions, mon état empira encore. Quoique le Seigneur m’ait gardé de me révolter, je me posais bien la question pourquoi il devait en être ainsi. Abstraction faite du motif mentionné ci-dessus, le Seigneur dans sa grâce, me donna encore, plus tard à Vught, une réponse à ce sujet : Je pus lire là en cachette mon dossier procès dans lequel était stipulé que je devais être envoyé dans un camp de concentration allemand de fâcheuse réputation. Du fait de ma maladie, cela n’a pas eu lieu. Un autre prisonnier, M. Scholtens, y fut envoyé dans ce temps-là et y mourut en l’espace d’un mois.
Dans le camp d’Amersfoort il ne se trouvait presque pas de Bibles. En posséder était formellement interdit, et il y avait des traîtres parmi les prisonniers. Ceux qui en avaient une étaient de ce fait très prudents et ne la prêtaient qu’à des personnes dignes de confiance. Elles se la passaient de main en main ; le premier la gardait une heure, un autre, deux heures etc.
Lorsque j’eus été alité, quelques semaines, dans le baraquement sanitaire, je pus avoir pour la première fois une Bible. La manière dont j’ai appris à connaître son propriétaire était remarquable. À la salle d’eau dans laquelle trois à quatre cents résidents de l’infirmerie, devaient se laver, j’entendis l’un d’eux attirer l’attention d’un autre sur le fait que Dieu gouverne toutes choses. Comme preuve, il mentionna plusieurs passages ; je citai alors la première partie de Zacharie 6. Un ou deux jours après, celui qui avait parlé me reconnut dans un coin de la salle et me demanda comment j’avais pensé à ce passage. Il l’avait lu, mais il ne comprenait pas comment il pouvait être mis en relation avec sa remarque. C’est ainsi que je sus qu’il possédait une Bible. Je pus l’obtenir bientôt pour la lire quelques heures, une inexprimable richesse lorsqu’on en a été privé plusieurs semaines.
Le possesseur de cette petite Bible était un pasteur de l’église réformée des Pays-Bas, originaire de la province de Groningen, qui était à Amersfoort depuis déjà plusieurs mois et qui était ainsi accoutumé à son atmosphère. Dans les semaines suivant notre rencontre, jusqu’au 7 janvier 1943, date à laquelle ils furent libérés, j’acquis beaucoup d’estime pour lui et pour les collègues avec lesquels il coopérait. Ils ont été en bénédiction à beaucoup dans les jours sombres de décembre 1942.
Se rassembler pour des services religieux était strictement interdit. Pourtant là où les surveillants de salle (eux-mêmes prisonniers) n’y étaient pas opposés, de tels rassemblements avaient lieu chaque dimanche ; le plus souvent même dans la baraque sanitaire. À cause du danger, ils étaient toujours petits en nombre, de 5 à 15 personnes, entre les lits, afin qu’en cas d’inquiétude on puisse vite se disperser.
Habituellement, on priait, on lisait un passage, on en parlait, puis on priait de nouveau, en tout pendant environ un quart d’heure. On ne chantait jamais bien sûr. L’intérêt était toujours plus grand, mais à cause du danger, seules des personnes dignes de confiance étaient invitées. C’est en particulier lors des fêtes de Noël 1942 que de telles réunions eurent lieu.
En outre, nous parlions régulièrement avec les patients dans la baraque sanitaire. La plupart du temps chacun le faisait dans sa propre salle, car officiellement on n’avait pas le droit de venir dans une autre salle. C’est ainsi que, lorsque je pus à nouveau me tenir debout, j’allais chaque matin le long des lits vers les malades. Là, j’ai appris à connaître la bénédiction des camps de concentration. J’ai parlé là à des douzaines d’hommes, depuis les classes les plus élevées de la société jusqu’aux plus basses, avec des catholiques et des protestants, avec des croyants et avec des chrétiens de nom, même des athées. Personne ne refusait qu’on lui parle du Seigneur Jésus. Tous n’ajoutaient pas foi ni n’acceptaient ce que nous disions. Cependant, autant que je me souvienne, personne n’a refusé qu’on parle du Seigneur Jésus. Dans ce lieu tout était tombé des choses sur lesquelles l’homme s’appuie si volontiers : richesse, position, connaissance, notoriété, environnement, famille etc.
Et quand alors, dans la condition et les circonstances les plus humiliantes, le masque de ce que l’on appelle l’éducation, tombait, et qu’apparaissait la vraie nature de l’homme, ses prétentions et sa propre estime étaient ébranlées. Et s’il s’y ajoutait encore la maladie avec la perspective de devoir mourir là, alors l’orgueil était le plus souvent brisé. Comme ils étaient souvent reconnaissants, lorsque leur cœur s’était ouvert et que nous avions prié ou bien lorsque j’avais récité quelques passages ou lorsque, disposant parfois d’une Bible ou d’un Nouveau Testament, j’en avais lu une portion.
Certainement tous ne se sont pas convertis et pour certains, qui alors le confessaient à cette époque, je dus plus tard, lorsqu’ils furent libres, le remettre en question. Mais en même temps j’ai pu voir des preuves convaincantes de l’opération de l’Esprit de Dieu.
Ces semaines passées dans la baraque sanitaire au camp d’Amersfoort font partie des temps les plus heureux de ma vie. La conscience de la communion avec Dieu, le fait d’être employé par Lui et aussi la force évidente de la Parole de Dieu donnaient au cœur une joie que rien ne peut détruire.
Le 13 janvier 1943, nous fûmes conduits d’Amersfoort à Vugt avec 250 hommes. À cet instant-là nous ne savions pas où nous irions. À Amersfoort, comme toujours les rumeurs les plus terribles circulaient, variant d’un camp d’extermination en Allemagne à un nouveau camp aux Pays-Bas. On commentait vivement chaque propos, chaque action des S.S., pour en tirer si possible une conclusion sur la destination du transport. En route, nous reçûmes un morceau de pain ; malgré la faim, nous le prîmes mal, du fait qu’il était au moins deux fois plus gros que la ration journalière habituelle. C’était l’indication d’un long voyage, donc hors de Hollande !
Comme nous étions assis dans le train, nous regardions anxieusement la direction prise : ce fut Utrecht, donc pas vers l’Allemagne ! Soulagement général ! Nous allions ainsi vers Vugt. Après une marche d’à peine une heure, sous les coups de crosse des S.S., nous arrivâmes au camp. C’était en fait un nouveau camp, loin d’être terminé. Nous étions les premiers prisonniers hollandais. La veille y étaient arrivés vingt criminels de droit commun en provenance de camps allemands. Ils avaient reçu la mission spéciale de mettre au pas les Hollandais. S’ils l’achevaient bien, ils seraient libérés. En fait, ils exécutèrent bien cet ordre, ce qui coûta la vie à des centaines de prisonniers, en particulier les six premiers mois. En ce qui nous concernait, ils commencèrent par un examen de nos corps par lequel ils nous prirent tout ce qui avait de la valeur comme ce qui était sans valeur, même la vaisselle. Je fis ainsi la perte d’un exemplaire de « Korte Verklaring » (n.b. : commentaire biblique très connu) sur le Lévitique, que j’avais obtenu à Amersfoort et que je portais sous mes habits.
Les premiers mois, les conditions de vie furent beaucoup plus mauvaises à Vugt qu’à Amersfoort ; pas seulement parce que la nourriture était encore plus réduite, mais de plus les exacteurs allemands cherchaient à nous imposer avec le gourdin un rythme de travail meurtrier, surtout les premiers temps. Le pire était que le soir ou la nuit nous n’avions aucun repos. Il était impossible de s’asseoir à l’écart un instant avec quelques autres pour parler de choses spirituelles.
Dès le premier jour je rencontrai quelques pasteurs croyants qui dormaient en dessous de moi. Le deuxième ou le troisième jour, je rencontrai le frère Gans Jr. d’Einhoven. Habituellement notre contact spirituel devait se limiter à quelques mots, une poignée de main, ou un signe de tête en encouragement.
L’une des premières semaines, j’étais présent lorsqu’un de ces pasteurs reçut plusieurs coups de poing dans la figure, parce qu’il venait de parler à un S.S.. Il avait présenté l’évangile à cet homme, ce qu’un des prisonniers allemands avait vu. Tous ceux qui pouvaient apporter un secours spirituel étaient systématiquement persécutés. Ainsi dès les premiers jours, l’ordre vint que les pasteurs et les religieux devaient être placés seulement dans les commandos extérieurs, les plus pénibles. Mais même en ces jours-là, nous pouvions voir la main de Dieu : quelques semaines plus tard vint l’ordre de Berlin qu’ils ne devaient pas travailler du tout, à moins qu’ils le veuillent d’eux-mêmes.
Si nous sommes simples, nous voyons les voies de Dieu pour les siens en mille occasions. Même à Vugt, nous les voyions dans d’innombrables choses, chacun dans sa propre vie. Lorsque nous y arrivâmes le 13 janvier, les deux minces couvertures que nous avions reçues d’Amersfoort nous furent enlevées. Nous dûmes dormir sans rien pour nous couvrir. Il y avait alors de la neige sur le sol, ...et il gelait très fort. Une semaine plus tard, une couverture nous fut rendue.
La plupart d’entre nous n’avaient ni veste ni sous-vêtements ou au mieux des loques. Chaque jour il y avait trois appels qui au total duraient habituellement plusieurs heures. De plus, la plupart devaient travailler tout le jour au-dehors. Cependant durant les mois de janvier à mars, nous ne fûmes que deux ou trois fois trempés de pluie. À partir de notre semaine d’arrivée à Vugt, le temps fut si doux et sec que nous en fûmes tous frappés.
Une fois, je parlais de ce sujet avec un médecin incroyant, alors que nous nous tenions côte à côte sur la place où on faisait l’appel ; et je lui disais que nous pouvions voir les soins bienveillants de Dieu pour nous, en ce que le temps était réellement contre nature. « On ne peut vraiment pas dire autrement » fut sa réponse. Mais peu après il ajouta : « Mais les deux hivers précédents étaient terriblement durs, et si nous-mêmes nous n’étions pas ici, il s’en trouvait d’autres ». Le cœur incrédule se sert directement des preuves les plus évidentes de la bonté de Dieu, et du fait qu’Il exauce les prières de ses enfants, pour justifier son incrédulité.
Le texte qui suit est extrait de l’écrit d’un compagnon de captivité de H.L. Heijkoop. Par ailleurs il s’agit probablement d’un commando de travail envoyé dans une usine de la société Philips.
On peut considérer comme un privilège sortant de l’ordinaire, que la fin de cet hiver-là fût si douce. Chaque jour, nous avons rendu grâces à Dieu pour cela du plus profond du cœur.
À la fin février, il fut question d’un nouveau commando, le commando Philips. Ce devait être une chose très agréable. Dans ce cas nous pourrions accomplir notre travail au-dedans et à l’abri des murs. Et effectivement nous fûmes dès lors abrités contre la pluie et le froid, contre la terreur nazie et les agissements barbares des Kapos et d’autres individus inhumains.
Mais les postes de travail chez Philips allaient devenir aussi un centre à partir duquel se répandirent dans le camp de grandes forces spirituelles. Très vite s’y formèrent des groupes de prisonniers, qui ensemble à midi lisaient et méditaient une portion de la Bible, et qui alors dans la prière en commun apportaient à Dieu leur détresse et leur reconnaissance. Quelle force en résultait ! Nous échappions aux barbelés.
Nous nous sentions de nouveau « un » avec tous les prisonniers, qui, dans le camp comme en dehors du camp, fléchissaient les genoux devant notre Père céleste. Nous nous savions de nouveau forts, parce que, faibles en nous-mêmes, nous avions conservé la prière comme l’arme la plus forte.
Vers la fin mai 1943, des Bibles et des Nouveaux Testaments se répandirent à la douzaine dans le camp. Grâce à Philips et à d’autres, les ordres de la direction allemande du camp furent « foulés aux pieds ». Il nous parvint plein de paquets de Bibles qui, malgré les regards des traîtres qui espionnaient, furent aussitôt distribuées.
Dans les baraquements aussi, dans lesquels nous passions les nuits, les effets de cet état de chose ne manquèrent pas de se faire sentir. Le soir, les prisonniers grimpaient sur les lits, l’un vers l’autre, pour clore la journée par la lecture de la Parole de Dieu. Nous nous sentions portés par l’amour de Dieu. Ses riches promesses, consignées dans le « Traité » que nous avions de nouveau en mains, étaient aussi pour nous. La Parole de Dieu opérait son œuvre dans nos cœurs.
Il se trouvait, hélas aussi, parmi les croyants, certains qui étaient « à terre » spirituellement parlant et qui résistaient à peine ou pas du tout à l’oppression. Cependant, ce n’était qu’une petite minorité. Nous ne devons pas non plus oublier que même le plus grand héros de la foi a connu des moments de faiblesse. Aussi personne ne peut avoir la juste appréciation du bénéfice spirituel produit par ces années d’oppression à Vugt. Ceux qui connaissaient Christ ont, par la souffrance, fait des progrès et ont appris à séparer et à différencier. Beaucoup de choses n’étaient pas en ordre auparavant dans leur vie. Ils l’ont ressenti alors, et ont pris l’engagement de donner à Dieu tous les droits sur leur vie et sur toute leur énergie. Pour cette raison, ils pourraient mettre leur vie au service de Dieu avec plus d’amour et de dévouement.
Ceux qui ne connaissaient pas Christ comme le Sauveur du monde déchu et leur Sauveur personnel ont entendu parler et témoigner de Lui et de Son amour dans cette grande tourmente. Certes de cette semence ainsi répandue, beaucoup de grains sont tombés au milieu des épines, sur le chemin, ou sur le sol rocailleux (Matthieu 13:1-9). Un jour sera manifesté si et comment Dieu aura fait servir à la bénédiction éternelle la Parole qui fut répétée en Son Nom.